Cet écrit livre les réflexions en post lecture d’un récit autobiographique écrit par Océan, articulé à une recherche en sexologie intitulée « Les violences sexuelles infantiles : berceau ou tombeau des fantasmes érotiques ? » Entre intrusion, érotisation atypique et pauvreté fantasmatique, cette étude clinique lève le voile sur une modalité d’expression de la sexualité encore peu explorée, en l’occurrence, les résonnances fantasmatiques produites par les violences sexuelles antérieures à la sexualité génitale et relationnelle. Le déguisement fantasmatique, est-il encore à portée des survivants ? À moins que l’incube, tout droit sorti du « Cauchemar », figure allégorique du trauma, n’agisse comme un corps étranger colonisant l’espace psychique, au mépris du plus élémentaire des principes de plaisir.
« La question du corps à l’épreuve de la déportation nous ouvre à l’idée de la métamorphose, réduisant ainsi le déporté à l’image de l’altérité radicale. Parce qu’il s’est mis à nu, il l’est surtout du point de vue de ce qui le rend signifiant, autrement dit, de ce qui fait lien. Ces milliers de corps errants sont-ils encore liés à une psyché censée les animer ? Depuis le seuil de « la maison des morts », nous tenterons une rencontre avec le corps, que nous dirions déporté de son sujet, réduit par le bourreau à une pièce de mécanique partie prenante de la chimère nazie. »
Un cancer qui s’invite au lit et c’est la mort qui rode dans l’intime. En effet, nous sommes tous témoins des ravages toujours actuels de cette maladie malgré les avancées réelles de la médecine. Par ailleurs, l’inconscient collectif persiste à associer le cancer à la mort malgré les tentatives de modifications des cognitions soutenues par les campagnes de communication. Le cancer tue, encore et toujours. Mais quand il ne tue pas les corps, quelles conséquences psychiques engage-t-il sur son passage ? Le sujet vivant est un être de désir, il l’est au titre d’être parlant. Et les voies empruntées par ce souffle libidinal sont multiples. Il se trouve que les études sont assez silencieuses sur cette question et que la clinique elle-même nous laisse perplexe.
Résumé : Appréhender l’univers du sujet embarqué dans les affres du cancer n’est pas aisé et il nous faudrait, pour cela, distinguer l’approche intelligible, d’une démarche plus naïve où nous serions guidés par la clinique, déposant au chevet du sujet vulnérable, le savoir que nous détenons. Nous pourrions, en ce sens, laisser résonner sa parole quelle que soit la voix qu’elle emprunte. L’objectif de cette démarche, résolument ancrée dans la subjectivation, serait de reconnaître l’Homme – sujet parlant et ainsi donc désirant - puis l’artiste, derrière le dit « cancéreux ». C’est à ce titre que les créations de Pierre Lohner, artiste décédé d’un cancer en 2008, témoignent d’un combat mené entre l’homme et la bête qui le ronge. Du crabe au guerrier, la toile ici revisitée semble incarner ce champ de lutte d’abord corporel, psychique finalement.
« Le deuil, sans cesse convoqué dans la clinique, constitue une problématique centrale pour tout professionnel amené à intervenir au pied du lit du patient. Aussi, la recherche a successivement approché cette question sous des angles très variés. Partant de la place occupée par le défunt à l’issue de la perte, les principaux auteurs se tournent progressivement vers la symptomatologie de l’endeuillé, pour envisager, d’autres fois, ses transformations intrapsychiques se préoccupant davantage sur ce qui se joue d’inconscient, en lui, en matière de perte. Jusqu’alors, un aspect reste dans l’ombre, les théories négligeant d’appréhender ce qui se joue de plus inconscient en matière de perte »
« Du compromis au sacrifice, l’histoire du deuil fête aujourd’hui son centenaire. Revenir sur les premières théories notamment freudiennes, permet de mesurer les nuances apportées par les approches successives. Du défunt à l’endeuillé, le regard de l’expert, tel un balancier, s’il convoque un à un les principaux protagonistes, néglige cependant l’acteur principal situé du ôté de l’entre-deux, du lien. Jean Alouch le nomme « petit bout de soi » comme métaphore d’une livre de chair reliant l’endeuillé à son objet d’amour. Précisément, celle-ci serait à concéder au mort dans une logique de gracieux sacrifice. Du deuil comme travail de substitution pour Sigmund Freud, un siècle auparavant, l’auteur l’envisage désormais comme un acte de pure perte. Nous assistons à un changement de paradigme : l’endeuillé perd son statut, opérant ainsi un glissement de celui qui possède (désiré) à celui qui fait l’objet d’un rapt, qui est soudainement « désirant », manquant. Le deuil prend alors des allures de scénario où les clients d’un mystérieux laboratoire confient un bien précieux pour se voir retourner un spécimen, à ce prix l’endeuillé peut y renoncer …