"La traversée du deuil"

"Se refuser à la marche forcée de l’injonction à « faire » un quelconque « travail » de deuil, pour entendre l’épreuve que toute vie impose à ses vivants, celle qui relève de la perte. Se refuser tout autant à l’errance de ces (morts) vivants perdus dans le no man’s land qu’est devenu la période du deuil en perte de rituel, privés des séquences cérémonielles étayant tout sujet dans son changement d’état. Autant la tentation est grande, face à cet impossible du possible auquel peut renvoyer la mort, de nier tout désir chez celui qui trépasse, autant cette expérience qui consiste à mourir et renaître après la perte d’un être aimé en appelle à la présence de l’autre. Créer un espace des possibles pour rendre son humanité à cette expérience et lui donner la forme de l’accompagnement. Et l’endeuillé aura beau être entré dans l’hiver, dans la nuit, la mort dans l’âme, il aura beau piétiner sans espoir d’un autre univers, s’il trouve un semblable, simplement là, son errance deviendra promenade. Que cet autre soit non sachant, et sa marche forcée deviendra promenade aussi, espace de l’entre deux, véritable aire transitionnelle, favorable à la rêverie. Et c’est ainsi que l’eau et la lumière se feront solitude et échanges. Faire de la cassure, un lien, pour que naisse une rencontre." Marjorie Lombard.